Guatemala Ciudad, le 7 juin 1991
Chers parents,
Nous sommes arrivés dimanche soir vers 19 heures, après avoir voyagé en classe affaires pour le prix d'un vol charter ! Après une escale à Miami, juste le temps d'effectuer les formalités d'immigration temporaire avant de sauter dans le deuxième avion, nous sommes arrivés ici sans encombre, et n'avons même pas eu à affronter les difficultés promises par les compagnies aériennes. En effet, celles-ci nous avaient prédit que nous serions refoulés dès l'entrée au Guatemala parce que nous ne pouvions justifier d'un billet d'avion pour rentrer en France ! Et pour cause, nous devions traverser la frontière suivante à vélo ou par des moyens de transport locaux !
Nous avons récupéré nos « bicicletas » sans devoir nous acquitter d'une surtaxe pour l'excédent de poids. L'hôtesse a fermé les yeux sur nos 50 kilos de bagages, emballée par notre projet. Nous avons installé nos sacoches et tout notre attirail sur nos deux-roues, sous le regard curieux et amusé des policiers et douaniers de l'aéroport.
Nous avons ensuite pris le chemin du centre-ville, en quête d'un hôtel. Il était pour nous, heure française, 4 heures du matin. Pour la première nuit, nous nous sommes offert un hôtel à quarante dollars, mais, ensuite, restriction budgétaire oblige, nous en avons trouvé un autre à 26 quetzales la nuit (soit environ 30 francs, un peu moins de 5 euros). Pour vous donner une idée du coût de la vie, un petit déjeuner coûte 6-7 quetzales, un repas 8-10 Q., une visite chez un médecin spécialiste, 30 Q.. Pour convertir le quetzal en franc, multipliez par 6 et divisez par 5. Les salaires oscillent entre 750 Q. mensuels pour un jardinier à 2000 Q. pour un professeur.
Nous partons pour une semaine vers Antigua, Chimaltenango puis le lac Atitlan (l'un des plus beaux au monde, paraît-il, autour duquel se sont implantés de nombreux villages indiens). Le lac est entouré de volcans, dont le plus élevé culmine à 2000 mètres. Nous avons rencontré hier le directeur de l'Alliance Française, cet organisme présent dans 140 pays, chargé de représenter la France sur le plan culturel et de développer l'usage de notre langue. Il nous a proposé de laisser nos vélos à l'abri dans ses locaux. Nous voyageons donc avec peu d'effets. Notre matériel photo et vidéo, bien sûr, et, pour le reste, le minimum vital. Nous essaierons de pratiquer de la sorte le plus souvent possible. Au retour d'Atitlan, nous repartirons vers Tikal, site maya prestigieux, abandonné au Xe siècle sans que personne n'en connaisse vraiment les raisons. Nous sommes encore en période de rodage et trouverons nos marques progressivement.
Ne vous inquiétez pas. Je sais que l'éloignement est difficile. Nous avons pris un maximum de précautions sur le plan de la santé. Nous lisons les journaux locaux chaque jour. Nous savons même que Becker, Agassi, Stich et Courier sont les quatre demi-finalistes du tournoi de Roland Garros ! Et que Cruyff a refusé la proposition de Bernard Tapie de devenir entraîneur à l'Olympique de Marseille. »